Il pleut comme il pleure
Sur la ville et les gens.
Les ruelles se gonflent
Et deviennent torrents.
Sur la ville et les gens.
Les ruelles se gonflent
Et deviennent torrents.
Le vent balayait les cimes des montagnes, apportant la fraîcheur du Nord sur cette contrée reculée aux habitants biens isolés. De ces indigènes, personne ne savait réellement comment ils étaient apparus là. La plupart pensaient que tous leurs ancêtres, jusqu'à l'Homme originel, avaient toujours vécus dans ces forêts, plaines, collines et monts. Certains imaginaient d'autres régions par-delà les limites des cartes actuelles. Pure fantaisie.
Si l'on allait trop au Nord, on ne trouvait que le froid, des paysages sans vie, n'apportant que la mort à l'imbécile souhaitant s'y aventurer. Au Sud, c'était l'inverse, le désert et la savane n'offraient un environnement que peu accueillant. La chaleur écrasait n'importe quel voyageur et celui-ci devait soit rebrousser chemin, soit se laisser vider de toute son eau.
C'est dans l'Ouest de cette région, au milieu d'un massif montagneux, que vivait un peuple rude. La plupart des hommes portaient une barbe, tandis que les femmes maîtrisaient l'art d'être élégantes tout en étant musclées. Tous savaient manier une arme, et aucun n'aurait laissé en vie quelqu'un crachant sur leur peuple.
Souvent considérés comme des brutes épaisses, ces hommes et femmes savaient faire preuve de sensibilité, et ils comportaient un nombre suffisant de penseurs et d'artistes afin de démentir ce préjugé. Peuple et culture les plus stables de la région, cela faisait de cette civilisation la plus ancienne connue. Cette stabilité s'expliquait par le besoin d'unité et d'ordre, essentiels dans l'environnement qu'ils habitaient, et par une population peu conséquente en comparaison des autres sociétés humaines.
Ce peuple vénèrait des dieux et déesses parfois considérés comme négatifs par les ignares. Ainsi des temples parsemaient le paysage montagnard de l'Ouest. Édifiés à l'honneur de la déesse de la Chasse, du dieu de la Forge, ou encore du Tonnerre, et bien d'autres. Il est vrai que la plupart de ces divinités exigaient des dons de sang, mais cela était signe de force, de courage et d'honneur. Preuve de la fiabilité et du dévouement des fidèles.
Ce peuple de guerriers et de bâtisseurs, vivant perché dans les montagnes, ou bien sous elles, s'était constitué en un Royaume, un Royaume que l'on connaissait depuis des siècles sous la dénomination de... Wyrkadia...
---
Les bottes s'enfonçaient dans la trentaine de centimètres qui recouvrait le sol, souvent rocheux. Les hommes levaient haut les genoux pour avancer à un rythme pourtant étonnant. Les chevaux étaient inutiles à cette période de l'année, aussi restaient-ils dans les écuries wyrkadiannes, alors que le vent faisait voler les cheveux et les capes des montagnards.
Le commerce était figé, comme tous les ans à ce moment-ci, et l'économie du Royaume tournait au ralenti. Mais cette année-ci, toute tentative d'engagement avec les sociétés extérieures au Royaume étaient vaines. La faute aux bouleversements que connaissaient le Nord et l'Est.
Le groupe d'hommes en armes, l'étendart porté haut blanc et violet malmené par le vent, conduit par un homme à la carrure large arriva bientôt devant de lourdes portes, perçant une imposante bâtisse en pierres, qui s'ouvrirent sur son ordre.
Le chef entra seul dans une salle aux poutres apparentes, d'allure martiale, dans laquelle se trouvait debout un homme en armure près d'une table massive. Le feu dans l'âtre peinait à procurer une température ambiante qui aurait été insupportable pour les frileux de l'Est.
Le soldat inclina la tête à l'attention de l'arrivant, qui répondit par un bref hochement de tête. L'homme qui attendait tendit un rouleau de parchemin à ce-dernier :
- Un message du Nord, mon Roy. Arrivé par corbeau.
Le Roy wyrkadian prit le bout de papier qu'il manqua d'écraser de ses doigts engourdis par le froid. Et après lecture des quelques lignes, il ne se retint pas pour laisser se refermer sa main sur la feuille qui rendit un son froissé :
- Le Roy du Nord requiert notre aide. Il semblerait que les prétendus "petits" rebelles se soient montrés beaucoup plus forts et coriaces qu'il ne l'imaginait. Ils assiègent sa capitale.
- Vous comptez répondre à leur appel ?
L'homme à la cape noire se tourna vers la table où étaient disposées diverses cartes. Après un instant de réflexion, il prit la parole :
- Ce couard n'est pas venu quand les barbares de l'Est ont tenté de nous envahir. Il est resté planqué derrière les murs de sa citadelle, au milieu de sa ville puant l'alcool, il ferma les paupières pour les rouvrir quelques secondes après. Nous n'avons aucun intérêt à voir ce pécore encore sur le trône du Nord. S'il se fait abattre par des meutes de paysans, c'est son problème.
L'autre acquiesça simplement d'un mouvement de tête, faisant osciller un instant la tresse de sa chevelure, comprenant qu'aucune missive ne serait envoyée au-dit pécore. Et alors qu'il ouvrait la bouche pour dialoguer des affaires royales, le Roy murmura :
- Et puis... Les écrits qui guident ce mouvement révolutionnaire sont somme toutes intéressants. Je ne doute pas que le Nord connaîtra une renaissance qui le conduira loin.
Il ponctua sa phrase en jetant un regard à travers les murs, vers le Nord, vers l'homme qu'on lui avait dit guider la révolution.
Il pleut et on meurt
Sur la terre gorgée d'eau.
Le tonnerre qui ronfle
Devient rire dément.
Sur la terre gorgée d'eau.
Le tonnerre qui ronfle
Devient rire dément.