Alors que les derniers rayons de soleil qui baignaient jusque là dans une clarté orange la ville de Nouvel Ecensor se cachèrent derrière la montagne sur laquelle se dressait la citadelle de Gamabal.
Le dernier grain de sable finit sa course dans le tas de grains qui s'étaient déjà déposés dans la partie basse du sablier géant. Quarante huit heures très exactement.
Eckwan, les bras croisés sur sa poitrine, continua de contempler pendant quelques secondes le sablier. Il hocha de la tête, se retourna et s'adressa à Razal qui venait d'entrer dans la pièce :
-Rien de nouveau à propos de Nouvel Ecensor, ni de Claw Sikorski ?-Rien du tout. Il semblerait que l'usurpateur n'ai pas pris notre ultimatum au sérieux.Eckwan eu un léger rire, il se reprit vite et déclara :
-Bien. Je suppose que tu as déjà pris les devants ?-Tout à fait, acquiesça son ami.
Cinq cent hommes, parmi les meilleurs combattants de votre Maison, sont armés, prêts à monter en selle, prêts à marcher si nécessaire, prêts à tuer ou à exécuter n'importe lequel de vos ordres.Le sourire vint aux lèvres d'Eckwan :
-Cinq cent hommes. Je vois que tu ne fais pas la même erreur que l'usurpateur, celle de nous sous-estimer. Cinq cent de nos meilleurs soldats, avec toi et moi pour les conduire. Nouvel Ecensor tombera rapidement, nous écraserons facilement les restes des garnisons républicaines.-Que comptez vous faire après avoir repris la cité ?-Nous nous tournerons vers Céloutata si besoin est.Sur ce, Eckwan sortit, suivi de près par Razal, et il rejoignit au dehors la troupe de soldats en armures noires ou blanches aux cimiers à tête de loup.
Eckwan approcha de sa monture, un puissant hongre d'un noir d'encre au caractère tempétueux nommé Vilamme. Un cheval de guerre, choisi plus pour sa robustesse et sa force que pour sa vitesse bien qu'il soit capable de distancer n'importe quel autre cheval peu entraîné pour la vitesse.
Mandarb avait une armure aussi noire que sa robe, la protection de sa tête forgée de manière à faire penser à un loup.
Le Roi de Marodia monta sur Vilamme, criant à l'intention de ses hommes :
-En selle !Les soldats s'exécutèrent promptement. Razal rejoignit rapidement sur son hongre gris tacheté de blanc son suzerain.
Eckwan sur Vilamme en avant, à sa droite Razal et à gauche un vétéran aux cheveux blancs gratifié d'une balafre fendant son visage en deux nommé Alrik qui portait haut une lance au bout de laquelle flottait le drapeau du Royaume.
Cette homme plus robuste qu'un forgeron malgré son âge avait été écuyer dans sa jeunesse sous le règne d'Eckwan
Ier, puis avait combattu contre l'Empire Caslyannais sous Géduoin
Ier, enfin, il avait continuer de porter les armes durant les deux guerres contre l'Empire Rakatas. Fidèle envers la Maison Delvain, c'était un homme dur, sans famille, doué d'un bon sens de la stratégie et d'un don pour le commandement. Des années passées à manier l'épée faisaient de lui un combattant redoutable. Eckwan se demandait parfois si cet homme n'était pas capable à lui seul de tuer cent hommes ensemble et d'avoir encore assez de force pour en affronter le double et vaincre.
Une chose sûre était qu'il était content de ne pas voir Alrik dans le camp adverse.
La petite armée descendit de la montagne, avançant au petit trot sur la route, en direction de Nouvel Ecensor. Les sabots ferrés de cinq cent montures claquant sur les pierres de la voie. Eckwan porta un regard vers le mont à sa gauche, au sommet se trouvait le fort de la Guilde de Mercenaires. Les Mercenaires n'agiraient pas pour défendre la ville, ils restaient toujours neutre lors des conflits, à moins que quelqu'un ne les paient, bien entendu.
Les premières habitations arrivèrent en vue, Eckwan fit s'arrêter la troupe et se tourna vers ses hommes :
-Je veux la ville. Je ne veux pas de boucherie, pas de viols, pas de pillages non plus. Ne tuez que ceux qui prennent les armes et luttent, personne d'autre. Faites prisonnier les soldats qui déposent les armes. Hissez les couleurs royales à la place du rouge républicain.Si quelqu'un dans la troupe désapprouvait l'ordre de clémence d'Eckwan, il n'en laissait rien paraître. Le Roi termina :
-Camarades, ce soir la ville est à nous ! En avant ! Que les Loups hurlent, et puissent les moutons courir !C'est au galop que les cavaliers noirs et blancs se dirigèrent droit vers la cité, poussant des cris rendus terrifiants par les visières rabattues en forme de gueule de loup.
Les soldats passèrent les premières maisons, réveillant certains des habitants s'étant déjà endormis, faisant s'ouvrir quelques portes et recevant plusieurs regards ou cris terrifiés.
Un garde sur le rempart avait poussé un cri horrifié quand il avait aperçu l'armée se diriger vers lui. Il avait abaissé la herse et il fallut le même temps nécessaire aux cavaliers pour atteindre les murailles qu'au garde pour sonner l'alarme. Quelques instants après et quelques faibles contingents de garde se postèrent sur le mur pendant que les trompettes sonnaient dans toute la ville.
Les républicains n'eurent pas le temps d'ajuster leur flèche à leur arc avant que des grappins furent envoyés sur les murs par un groupe de royalistes ayant mis pied à terre. Razal et cinquante hommes montèrent sur les remparts et engagèrent l'affrontement, faisant reculer rapidement les républicains désorganisés. Cela se voyait que personne ne s'était douté qu'ils allaient être attaqués ce soir. A croire qu'aucun ne savait que leur
"président" avait reçu un ultimatum.
Razal et sa troupe tinrent au respect les rangs clairsemés des républicains. Progressant facilement, jusqu'à atteindre le système de fermeture de la herse. C'est cinq bras puissants donc ceux de Razal qui actionnèrent les roues à manetons permettant de relever la herse. Celle-ci relevée, Eckwan, Alrik et le reste des cavaliers pénétrèrent dans le centre de la ville.
Une troupe de piquiers républicains présenta ses lances aux royalistes. Alrik n'attendit pas pour foncer sur eux, pointant en avant la lance-étendard. Les piques des républicains ne heurtèrent que le bouclier du vétéran ou l'armure de son cheval. L'étendard se ficha dans le casque d'un premier homme, puis transperça l'armure d'un autre. Alrik lâcha la lance, dégaina son épée de guerre -tenue à deux mains par le commun des hommes- portant de grands coups et fracassant des casques et plastrons.
Eckwan et les cavaliers arrivèrent comme un ras-de-marée dans les rangs républicains décontenancés par la percée d'Alrik. Le Roi Marodian acheva le dernier piquier d'un mouvement circulaire de
Croc-Pâle.
Razal sur les remparts divisa ses hommes en trois groupes. L'un devant nettoyer la partie gauche par rapport à eux des murs, le second -le plus gros- devant faire de même pour la droite, et le troisième sauta, avec Razal à sa tête, sur les toits des bâtiments du centre de la ville. Ils sautèrent dans leur lourde armure de toit en toit, jusqu'à arriver sur le toit de la mairie. Surplombant la place des Etoiles/du Dragon. Ils prirent leur arc, encochèrent et tirèrent sur le gros de la garnison républicaine qui s'organisait sur la place.
A gauche, les quatre cent cinquante cavaliers menés par Eckwan déboulèrent dans la place. Ils s'alignèrent rapidement et foncèrent vers la centaine de républicains.
Les royalistes avaient clairement l'avantage, de par leur nombre, et de par le fait que les républicains n'avaient aucune lance, arme efficace contre la cavalerie.
Eckwan et ses hommes entrèrent en contact avec les fantassins républicains. Le fracas des plastrons défoncés, des crânes transpercés, des chocs métalliques, des hommes qui hurlaient furent les seules choses qui parvint aux oreilles du Roi Marodian.
Des archers républicains postés sur la porte du Dragon tirèrent une salve de flèches enflammées avant d'être assaillis au corps à corps par les hommes de Razal qui avaient pris en peu de temps tous les murs.
Un de ces traits enflammés rasa de près le crâne d'Alrik qui combattait nu-tête. L'homme n'avait d'ailleurs qu'une armure de cuir et quelques pièces de métal. La flèche mis le feu aux cheveux du vétéran qui continua de lutter comme s'il ne s'était pas rendu compte que la partie gauche de sa chevelure brûlait.
Les républicains continuèrent de se battre même quand il fut clair qu'ils perdaient. Le dernier fantassin fut abattu d'une épée en travers de la gorge.
Eckwan regarda Alrik et découvrit la partie gauche de son crâne à nue, le cuir chevelu brûlé, les cheveux blancs à la lisière, vers le milieu, étaient noircis. Alrik se comportait cependant comme si de rien n'était, son visage dur, impassible, qui, si positionnée à coté, aurait fait passer la pierre la plus dure pour un matelas de plumes.
Peu de temps plus tard, la ville entière de Nouvel Ecensor était sous le contrôle d'Eckwan et ses troupes. Les drapeaux rouges remplacés par les couleurs royales violettes. Le Roi Marodian avait investi la mairie, et c'est dans la salle de réunion de celle-ci qu'au petit matin il fit porter une missive à Claw Sikorski par le même messager que la fois précédente, avec les mêmes instructions.
Salutations usurpateur,
Vous avez ignoré notre promesse, vous en subissez les conséquences. Nouvel Ecensor est sous notre contrôle.
Nous vous présentons par cette missive une nouvelle exigence. Nous vous sommons de vous rendre à Nouvel Ecensor, sans ou avec une escorte dont le nombre s’élèvera au maximum à cinquante hommes, afin que des négociations soient commencées entre nos deux personnes. Négociations dont le but serait d'éviter tout massacre pouvant être évité.
Venez avec plus de cinquante hommes et nous tuerons votre escorte et vous exécuterons sur la place du Dragon. Ne venez pas et nous viendrons vous chercher à Céloutata, et mettrons à feu et à sang la ville avant de vous exécuter sur la place du Dragon à Nouvel Ecensor.
Marchez sur Nouvel Ecensor avec une armée et, ou, tentez de reprendre la ville, et nous vous massacrerons jusqu'au dernier, nous vous ferons ensuite voir le spectacle d'une Céloutata en ruines avant de vous exécuter sur la place du Dragon.
Vous n'êtes clairement pas en position de poser des conditions. Nous vous conseillons de venir à cette rencontre avec moins de cinquante hommes et d'écouter ce que nous avons à dire.
Eckwan II, Roi de
Marodia, de la Maison
Delvain.