Géduoin, un genoux au sol, priait dans le Temple de la Lune et du Soleil, situé en haut du Château Royal, juste devant l'autel de la Lune. Lorsqu'il finit son incantation, il leva les yeux jusqu'à regarder la coupole du Temple, faîte d'or, elle brillait et semblait joyeuse. Comme si elle était contente d'un futur massacre proche mais lointain. Géduoin se leva et se retourna, faisant claquer sa cape tellement le geste était rapide. Il se dirigea jusqu'à l'autel du Soleil, monta les marches, se planta juste devant la vitre et regarda à l'horizon, au loin il voyait les vagues d'une mer lointaine et la rivière qui s'y jetait...
N'y avait-il rien d'autre ailleurs? Peut-être le mieux à faire était de partir vers l'horizon et de ne plus se retourner. Comme il aurait dû le faire lorsqu'il le pouvait encore, comme il aurait voulu le faire si son frère ne s'était pas engagé dans cette voix incertaine qu'est le trône d'un Royaume...Géduoin posa la main droite sur la vitre, laissa son front toucher la paroi de verre, ferma le poing droit et l'abattit sur le carreau qui se brisa et dont les morceaux tombèrent du haut du Château pour se briser imperceptiblement en bas. Il laissa son bras de l'autre côté de la vitre, se plaqua contre celle-ci et laissa ruisseler sans aucune honte des larmes qui finirent leur course en s'écrasant entre la joue et le verre.
Géduoin ramena son bras, puis recula et hurla de douleur. Il avait mal, très mal, mais pas une douleur physique, mais une douleur de coeur, une de celle que rien ni personne ne peut refermer, pas même l'amour, pas même la haine, pas même la mort... Sa douleur ne cesserait pas même s'il venait à mourir. C'est pourquoi Géduoin venait de s'abstenir de sauter dans le vide, il y a quelques instants.
Un prêtre de la Lune monta vivement les escaliers, suivi d'un homme que Géduoin reconnu. Le prêtre vint à lui et le salua, puis commença:
-Cet homme dit...
-Vous l'avez trou... coupa Géduoin en s'adressant à l'homme en question.
Celui-ci coupa plus rapidement encore le futur Roi et avec un signe d'essouflement dit:
-Nous l'avons trouvé.
Les yeux de Géduoin s'illuminèrent. Il sauta les cinq marches de l'autel d'un bond bien placé, faisant voler sa cape noire de l'extérieur et pourpre de l'intérieur. Lorsqu'il atterrit au sol, la lame de son épée bâtarde accrochée dans le dos résonna avec un pan de sa cotte de mailles légères. Géduoin descendit quatre à quatre les marches de l'escalier menant au tribunal, suivi du mystérieux homme. Ils descendirent encore 3 étages pour arriver à la salle du trône. Là, beaucoup d'hommes et de femmes allaient et venaient, certains en armures, d'autres transportant des vivres et des armes, d'autres encore courraient pour apporter à leur destinataire les messages dont ils étaient munis. Géduoin demanda à son compagnon:
-Où est-il?
-Venez!
Et les deux hommes se ruèrent dans la foule pour sortir du Donjon. Ils arrivèrent dans les jardins bondés de camps, de personnes et de chevaux. Ils sortirent de l'enceinte du Château sans avoir malencontreusement piétiné les deux hommes de garde. Puis, ils descendirent les marches pour arriver devant le petit pont dit
de la Victoire et ne pas le prendre mais sortir de la route et dévaler le petit encaissement. En bas, quatre hommes en tenue de combat légère, propice à l'exploration et au voyage, tout comme le mystérieux homme, étaient debout à côté d'un cercueil simple, en chêne et en frêne. On devinait à l'apparence du cercueil qu'il n'avait pas été fait dans un atelier, encore moins par un spécialiste ou charpentier, mais conçu assez rapidement. Il n'était pas laid, loin de là, mais très simple et simplement poncé. Sur la face incurvée, était gravée un blason grandeur nature où était dessus une croix de Lorraine, emblème royal selon Eckwan. Juste au dessus de la croix, toujours sur le blason, était écrit:
1er Roi et Fondateur de Marodia, Eckwan I le Sournois ou le Grand.Les cinq hommes étaient donc allés chercher sur les indications de Géduoin, le cadavre de son frère. Géduoin s'adressa au chef du groupe, celui qui était venu le chercher:
-Dans quel état était-il?
-Nous sommes arrivés alors qu'un rat mangeait son foie en décomposition... répondit-il après hésitation. C'était pas beau à voir...
Géduoin observa le cercueil, il s'approcha et effleura du bout des doigts l'emblème. Puis il déclara, sans détourner ses yeux du cercueil:
-Emmenez-le dans le bureau du poste de garde de Haut-de-Vent. Et couvrez le blason, il ne doit pas être vu par les soldats. Si on vous demande, dîtes simplement que c'est un pauvre soldat retrouvé criblé de flèches qui avait dû s'approcher de trop de Cya. Je vous rejoins là-bas.
Sur ce, il se détourna et au même instant, le bruit des armes de Caslyan déchira le ciel. On devinait sans problème que ce bruit venait d'Ecensor.
-Dépêchez vous! Et rejoignez moi à Ecensor! Surtout, assurez vous que personne ne pourra voir le cercueil!
Sur ce, il courut jusqu'à l'écurie, attrapa un cheval et alla au galop en direction d'Ecensor.
Arriver là-bas, Géduoin ne savait que faire, la panique et la terreur régnait partout à la fois. LEs gens couraient dans les rues et ruelles, les enfants criaient et pleuraient, tandis que certains soldats devenus fous tiraient en vain des flèches contre le vaisseau à première vue invincible.
Géduoin sauta à terre et leva les yeux au ciel. Des impériaux descendirent du vaisseau et tirèrent de leur bâtons des rayons de la magie noire. La population terrifiée n'arrangeait rien. Géduoin parvint à rejoindre un vétéran qui formait et essayait d'organiser un groupe de soldats rescapés et ayant garder une portion de sang-froid. Géduoin se présenta à l'homme et il parlèrent vivement de la situation. Il fallait évacuer la population au plus vite, tisser un réseau avec les autres groupes de rescapés de la ville et trouver un moyen efficace de se battre. Les cinq hommes de Géduoin le retrouvèrent et confirmèrent ce qu'il leur avait ordonné. En tout, le groupe de soldats était composé de 4 archers, 1 prêtre et 12 fantassins( dont Géduoin, le vétéran, et les cinq hommes de Géduoin, tous munis aussi d'un arc court).
Le vétéran envoya trois fantassins parcourir la ville en quête de soldats et en reconnaissance des lieux. Pendant que les autres commencèrent tant bien que mal d'organiser une évacuation. Géduoin courut au corps de garde de la porte Nord de la ville, dite la porte 1. Il arriva devant et constata que les gardes s'étaient efficacement organisé. Lorsqu'il les héla un rayon frappa le corps de garde et celui-ci implosa de l'intérieur. Géduoin était frappé par l'étonnement. Il voyait maintenant exactement de ce à quoi était capable la magie noire, et peut-être bien plus... Un groupe d'impériaux arrivait, et Géduoin le vit. Il dégaina son épée, fit claquer sa cape et courut dans leur direction. Il atteint le premier qui ne comprit rien et le décapita d'un coup sec, puis para le bâton d'un autre pour le transpercer. Un autre arrivait et tira, Géduoin évita et l'atteint au bras quand trois impériaux vinrent et à eux quatre entreprirent de l'affronter. Géduoin para, esquiva, feinta, recula, fit un pas de côté pour enfin d'un coup brusque et sec de sa lame riposter avant de brandir un cor d'une matière que peu de personne n'avait jamais vue et que peu de personne verraient. Incrusté d'argent formant des motifs incompréhensibles, recouvrant tout le cor. Géduoin recula d'un bond et porta l'instrument à sa bouche et souffla. Le son du cor fut si puissant que tout le monde, même le souffleur, sentait le son résonner en lui.
***
Dame Elhey regardait de là où elle se trouvait le vaisseau qui survolait Ecensor et écoutait chaque son, chaque plainte venant de la ville, comme si elle écoutait à s'en arracher le coeur. Mais enfin, un cor sonna. Un cor comme elle ne l'avait jamais entendu, et comme aucun Elandorian ne l'aurait jamais entendu...
***
A des centaines et des centaines de lieues de là, dans une forêt obscure et luxuriante, une jeune femme aux longs cheveux blonds et aux oreilles pointues était perchée à une branche, un carquois et un arc en bandoulière et une longue épée fine de deux mètres à la ceinture. Elle regarda vers l'horizon, de là où venait le son d'un cor, faible mais distinct. Elle sourit, dévoilant ses canines d'où sortait du bout quelques gouttes d'un liquide verdâtre. La femme prit une petite flûte, de la longueur d'un doigt et souffla dedans. La musique fut très faible, mais elle était changeante, douce au début, puis d'un coup rude et guerrière, pour devenir neutre pour enfin être joyeuse. Mais le son restait faible. Enfin, la jeune fille se mit debout sur la branche et se laissa tomber dans le vide. La musique cessant en même temps.